Forbidden est un livre que je me refusais de lire vu le sujet de l’inceste.
C’était en quelque sorte ma limite en terme de zone de confort.
Cela faisait des années que je voyais les avis plus que positifs sur la toile et j’avais vraiment peur de lire. Peur que l’écriture de l’auteur soit si belle et si juste qu’elle me donne envie de voir un frère et une sœur finir ensemble.
Car je connais la force d’une belle plume, je sais ce qu’elle peut faire et non, je ne voulais pas qu’une belle plume me fasse adhérer et accepter une histoire d’inceste.
Mais voilà, ma copine B a lu Forbidden, l’a beaucoup aimé et malgré les nombreux débats qui ont suivi sa lecture, elle n’était pas arrivée à me convaincre de le lire (c’est que je suis têtue quand je veux).
Jusqu’au jour où en parlant d’un autre livre (qui traite d’un triangle amoureux et que je me refusais également de lire) elle m’a dit que j’étais pénible (pour ne pas dire chiante) à ne jamais suivre ses recommandations alors que je lui avais fait moi-même lire des livres qui la faisait également sortir de sa zone de confort.
Et bon… il faut croire que le chantage affectif marche avec moi car je me suis retrouvée à lui promettre de lire Forbidden.
C’était en décembre. Il m’a quand même fallu 3 mois et une LC pour le sortir mais j’ai tenu ma promesse (tu n’as pas fini d’en entendre parler B d’ailleurs!).
Et sincèrement ? Je ne regrette pas de l’avoir lu même si je ne suis de loin pas aussi enthousiaste que la majorité.
Tout d’abord il faut rendre justice au style de l’auteur qui est très beau, très juste, très précis et vivant.
Elle est arrivée à me faire passer beaucoup d’émotions fortes à travers les points de vue de Lochan qui est un personnage très touchant, extrêmement bien écrit et complexe.
Il est d’ailleurs pour moi la plus grande réussite du livre.
Talking to adults is bearable; it’s talking to people my age that’s impossible. So I keep replaying Maya’s words in my head. Maybe there is someone who isn’t ashamed of me after all. Perhaps there is one member of my family whom I haven’t totaly let down. But the void yawns open like a cavern inside my chest. I feel so damn lonely all the time. Even though I’m surrounded by pupils, there is this invisible screen between us, and behind the glass wall I am screaming, screaming in my own silence, screaming to be noticed, to be befriended, to be liked.
Parler avec des adultes est supportable ; c’est parler avec des gens de mon âge qui m’est impossible. Du coup, je me répète sans cesse les mots de Maya.
Peut-être qu’il y a quelqu’un qui n’a pas honte de moi après tout. Peut-être qu’il y a un membre de ma famille que je n’ai pas encore complètement déçu.
Mais ça n’empêche pas le vide à l’intérieur de ma poitrine de s’agrandir.
Je me sens tellement seul tout le temps. Et même si je suis entouré d’élèves, il y a cet écran invisible entre nous et derrière ce mur de verre, je crie. Je crie, muré dans mon propre silence, je crie pour être remarqué, pour devenir un ami, pour être apprécié.
Pour le reste, si je dois bien reconnaître avoir trouvé leur amour beau et même touchant, je n’ai pas tout de même jamais pu faire abstraction de leur lien fraternel, surtout dans les parties avec des descriptions plus physiques.
Mais bizarrement, ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée.
Cela ne m’a certes pas spécialement plu, bien sûr, mais leur histoire est quand même très prenante, belle et touchante et c’est impossible de rester insensible aux réactions de Maya et Lochan, de ne pas avoir mal pour ces deux adolescents qui ne peuvent pas vivre leur amour comme tout le monde, même si l’on ne cautionne pas cet amour.
Impossible de ne pas ressentir de la compassion, d’autant qu’eux-même se questionnent, se remettent en question et luttent contre cet amour, cette attraction.
How can something so wrong feel so right ?
Comment quelque chose de si mal peut sembler si juste ?
Non, ce qui m’a davantage dérangée, ce sont quelques longueurs : il ne se passe concrètement rien à part leur histoire d’amour et tout le livre est une répétition des premiers chapitres où l’on explique le comportement de Lochan en société, et tout ce qu’il fait avec sa soeur pour maintenir leur famille unie.
Pendant tout le livre les chapitres se succèdent et se ressemblent et si l’on n’a pas compris à la fin du livre que la mère est une connasse égoïste alcoolique, que le frère est un petit merdeux d’adolescent en mal de reconnaissance et que c’est très difficile et contraignant pour Lochan et Maya d’étudier et d’élever leur 3 frères et sœurs, alors c’est que l’on n’a rien compris du tout.
I play Twister and Hide-and-Seek with the little ones, help them with their homework, feed them, bathe them, read them goodnight stories, but all the while I have to stay upbeat for them, put on the damn mask, and sometimes I fear it will crack
Je joue à Twister et cache-cache avec les petits, je les aide à faire leurs devoirs, je les fais manger, je les baigne, leur lis des histoires avant le couché, et pendant tout ce temps je dois rester enjoué face à eux, pour eux. Je dois porter un masque, et parfois, j’ai peur qu’il craque.
Il y a donc, d’après moi des longueurs et finalement beaucoup de répétitions mais qui bizarrement ne finissent jamais vraiment par nous lasser vu qu’à chaque fois que cela aurait pu arriver, leur relation avance et nous donne envie de continuer, de savoir.
Un autre bémol est la caricature des personnages, notamment celui de la mère.
Elle boit, ne pense qu’à elle et son nouveau mec, dépense son argent en boisson et en fringue, ne veut rien payer à ses 5 enfants qu’elle n’aime pas et dont les sorts lui importent peu…
Non, vraiment, c’était juste trop.
Ce qui m’amène au point le plus négatif du livre selon moi, à savoir son manque de nuance. Que ce soit au niveau de certains personnages donc, comme celui de la mère ou celui du frère de 13ans, ou encore dans l’atmosphère très pesante et très noire du livre.
En réalité, il n’y a pas un passage joyeux ou positif dans tout le livre. Enfin si. Un. Un après-midi où les 5 frères et sœurs sont réunis et où ils sont tous heureux. Voilà. C’est tout. Et le livre fait quand même 432 pages.
Du coup, c’est quand même un livre très déprimant et très triste, à tel point que j’ai fini par me détacher des personnages et finit par lire ce livre avec une certaine distance.
Oui, je crois que j’aurais apprécié plus de nuances à ce niveau là et que mon ressenti global aurait été plus positif si le livre l’avait été davantage.
Finalement, même les scènes où ils se retrouvent et où ils s’aiment sont teintées de peur et de tristesse. A juste titre, certes, mais ils restent des ados amoureux, on aurait pu attendre un peu de joie, de légèreté et de laisser-aller de temps en temps. Mais non.
And I bitterly, bitterly resent that, just because our relationship is considered wrong, al those hours of happiness we could have together are being stolen from us, and we are forced instead to sneak about, in constant fear of being caught.
Et je suis amère, je suis amère parce que notre relation est considérée comme mal et toutes ces heures joyeuses que nous pourrions partager nous sont volées et nous sommes obligés de nous cacher en ayant constamment peur de se faire prendre
Quant à la fin… et bien, je ne veux pas en parler pour ne pas spoiler mais elle ne laisse pas insensible. Du tout.
Alors, j’adore les livres qui me font passer par énormément d’émotions, qui me font rire, sourire, pleurer et pester.
Malheureusement, dans Forbidden, c’est surtout un sentiment de tristesse et de peine que l’on ressent et ça peut finir par être pesant même si les émotions sont très présentes et très fortes.
I can’t tell you. I can’t tell you, of all people. Throughout my life you were the one person I could turn to. The one person I could always count on to understand. And now that I’ve lost you, I’ve lost everything.
Je ne peux rien te dire. Je ne peux rien te dire, à toi, parmi tout le monde.
Durant toute ma vie tu as été la seule personne vers qui je pouvais me tourner. La seule personne qui me comprenait. Et maintenant que je t’ai perdu, j’ai tout perdu.
Malgré tout, cela reste un livre très bien écrit et très touchant et le personnage de Lochan est réellement très beau, juste et abouti.
Et si je ne recommande pas spécialement ce livre car il est tout de même très particulier, je ne peux que saluer les nombreuses réactions contradictoires qu’il nous procure.
Ceci dit, dans le genre « amour impossible » le livre « Entre chiens et loups » de Malorie Blackman me marquera bien plus.
Je vous invite à lire les avis de Karine qui a beaucoup aimé et a seulement une petite réserve, de Karen et Simi qui ont adoré, de Sandy et Emilie qui ont des bémols et de Fleur qui a abandonné !
Forbidden – Tabitha Suzuma
Ebook – 432 pages