Peut être que j’aurais dû lui dire la vérité.
Lui dire que je suis malade, et que je vais mourir.
Peut être que je n’aurais pas dû lui briser le cœur avec un simple « je ne t’aime plus » sur un quai de gare.
Mais lui dire qu’elle est la plus belle chose qui me soit arrivé.
Lui dire que je l’aime plus que tout au monde.
Que le jour où elle est entrée dans ma vie a été le plus magique qu’il m’ait été donné de vivre.
Peut-être aurais-je dû lui dire la vérité.
Lui dire que je vais perdre du poids, que je vais être méconnaissable, que je vais peut-être perdre la tête.
Peut-être que j’aurais dû prendre le temps de lui expliquer qu’elle et moi, ce ne sera finalement pas pour toujours, mais pas parce que je ne l’aime plus.
Mais simplement parce que l’homme qu’elle aime ne sera bientôt plus.
Mais comment aurais-je pu ?
Comment aurais-je pu sachant qu’elle allait rester à mes côté jusqu’au bout.
Et alors … alors j’aurais vu la pitié dans ses yeux, au lieu de l’amour. J’aurais vu la peine, au lieu de l’espoir. J’aurais vu la douleur, au lieu de la joie.
Peut-être aurais-je dû rompre de manière moins abrupte.
Mais comment aurais-je eu alors la force de la laisser partir ?
Ses larmes contenues ont déjà failli avoir raison de ma volonté. Que se serait-il passé si je l’avais laissé argumenter ou me poser des questions ?
Elle aurait vu que je mentais, que je l’aime comme un fou. Que la quitter à été plus dur que d’apprendre que je n’aurais jamais 30 ans.
Peut-être aurais-je dû lui dire la vérité ?
Ne pas être égoïste. Ne pas vouloir qu’elle garde de beaux souvenirs de moi. Des souvenirs de moi riant. Aimant. Vivant.
Peut-être devrais-je la rattraper ?
Quand je l’a vois, si fière, si droite, comme si je ne venais pas de lui arracher le coeur et de le piétiner, j’ai envie de hurler.
Peut-être devrais-je la retenir avant qu’elle ne franchisse cette porte.
Lui dire la vérité et la garder près de moi jusqu’au bout.
Plus que quelques secondes avant qu’elle ne quitte mon champ de vision et déjà le manque d’elle est si douloureux et si présent que je me réjouirais presque de ma mort prochaine. Sauf que si je n’étais pas mourant, je passerais cette porte avec elle, mes mains dans son manteau, ma bouche sur la sienne.
Si je n’étais pas mourant, je n’attendrais pas une seconde de plus pour lui demander de m’épouser et d’être mienne.
Oui. Peut-être devrais-je l’appeler.
Pour la voir se retourner une dernière fois. Pour la voir s’écrouler dans ce hall de gare plutôt que dans la rue, quand elle se saura hors de ma vue.
Mais j’ai peur. Peur de lui dire la vérité. Peur qu’elle reste à mes côtés.
Peur de lire dans ses yeux le déclin de son amour.
Peut-être n’aurais-je pas dû la quitter comme ça ?
Mais je préfère la haine à la pitié. Ou pire. Au soulagement quand je partirai.
Alors, je la laisse partir et je la regarde franchir la porte de cette gare sans se retourner.
Alors, je la laisse partir et signe ma deuxième condamnation en la laissant s’en aller.
Photo de Romaric Cazaux
Merci encore à Leiloona de nous proposer ses ateliers d’écriture.